Quelles chaussures de running pour diminuer le risque de blessure ?

Quelles chaussures de running pour diminuer le risque de blessure ?

Écrit par Florent Viossat, kinésithérapeute, ostéopathe.

Introduction

Des chaussures avec tel ou tel amorti, des chaussures avec stabilisations ou au contraire, des chaussures minimalistes. L’offre de chaussures de running est aujourd’hui considérable. Une question se pose alors, laquelle privilégier si je souhaite éviter de me blesser ?

Les nouveautés scientifiques

Ce 22 août, la revue Cochrane a publié un travail comparatif répondant à cette question. La Cochrane, c’est un organisme scientifique qui effectue un travail de synthèse des connaissances scientifiques sur un sujet pour répondre à une question de santé. Et l’un de ces derniers questionnements, c’est de savoir si les chaussures de course à pied protègent des blessures aux jambes, et si oui quelles chaussures privilégier ? Pour synthétiser les connaissances à ce sujet, ils ont effectué une revue de la littérature avec méta-analyse. C’est-à-dire rechercher et analyser tous les articles parus sur le sujet, sélectionner ceux qui sont sérieux, et ensuite combiner leurs données pour en faire une synthèse (de 78 pages tout de même la synthèse, incluant au passage 11240 participants aux études).

Ce type d’étude, bien mené, représente l’un des meilleurs moyens d’obtenir des connaissances rigoureuses à ce sujet. Bref, c’est un travail très fiable. Avant de comparer les chaussures, il est important de savoir comment on les classe. Voici les différentes catégories :

  • Les chaussures à contrôle de mouvement (motion control): elles ont pour spécificité de diminuer les mouvements de l’arrière-pied et/ou du medio-pied.
  • Les chaussures stabilisées : elles ont les mêmes spécificités que les chaussures à contrôle de mouvement avec un amorti supplémentaire.
  • Les chaussures minimalistes : dépourvues de toute aide technique.
  • Les chaussures à semelles souples : facilement déformables (concerne plutôt les chaussures minimalistes).
  • Les chaussures à semelles rigides : comme leur nom l’indique, les semelles sont plus rigides (concerne plutôt les chaussures à aide techniques, comme les chaussures à contrôles de mouvement ou à amorti, aussi appelées maximalistes).

Qu’est-ce que cela nous dit ? Sans plus attendre jetons un œil aux résultats :

  1. Chaussures minimalistes VS chaussures neutres / avec amorti
    Les chaussures neutres / avec amorti ne montraient pas ou peu de différence avec les chaussures minimalistes concernant le risque de blessure.
  2. Chaussures stabilisées (à contrôle de mouvement / avec renfort de stabilité) VS chaussures neutres / avec amorti
    Il est incertain que les chaussures stabilisées ou les chaussures à contrôle de mouvement aient une efficacité en vue de la faible qualité de la recherche produite à ce sujet. Idem pour les chaussures stabilisées versus les chaussures à contrôle de mouvement.
  3. Chaussures à semelles souples VS chaussures à semelles rigides
    Les chaussures à semelles souples ne montraient pas ou peu de différence avec les chaussures à semelle rigides concernant le risque de blessure;
  1. Chaussures prescrites par rapport à la posture du pied VS chaussure de running “normal” (sans correction)
    Ici, les chaussures sont prescrites aux coureurs en fonction de la posture de leurs pieds. Par exemple des chaussures avec contrôle de mouvement (stabilisation de l’arrière et du médio-pied) pour quelqu’un avec les pieds très en pronation. 
    Résultats : il n’y a pas de preuve que les chaussures avec correction de posture réduisent le risque de blessure. À noter que ces études ont été faites uniquement chez des militaires. Cela incite à la prudence pour l’extrapoler à des civils. En tout cas on ne peut aucunement affirmer que ces chaussures sont efficaces pour prévenir les blessures.

Interprétation

Super. On n’apprend rien. Rien ne marche. Pourquoi m’avoir fait perdre mon temps ?

En fait si, on apprend plein de choses. On apprend déjà que le type de chaussure que l’on utilise, même prescrite spécifiquement après analyse posturale de notre pied, n’a pas l’air décisif dans la prévention du risque de blessure. C’est contradictoire avec un raisonnement biomécanique pourtant plein de bon sens. Par exemple si ma chaussure est plus basse, cela met plus de tension sur le tendon d’Achille et des chaussures avec un amorti arrière réhaussant mon talon permettraient de résoudre le problème.

Cette vision peut sembler logique mais est trop réductrice et ne prend pas en compte de nombreux autres facteurs. Un facteur important par exemple, est que nous sommes des êtres vivants capables d’adaptation, et que les charges sur le tendon d’Achille, si elles sont appliquées progressivement, lui permettent de devenir plus fort. Donc même si la chaussure pourrait ne pas sembler adaptée au corps, le corps s’adaptera à la chaussure, et il n’en résultera aucune différence en terme de risque de blessure.

Comment choisir ses chaussures alors ?

Aujourd’hui, on a découvert une chose pour sûr : c’est que personne ne devrait affirmer que tel type de chaussure est supérieur à tel autre. Donc on fait quoi ?

On peut d’abord arrêter d’être dicté dans ses choix de chaussure sur un certain type de chaussage et de devoir acheter systématiquement la dernière paire avec le meilleur amorti qui coûte deux fois plus cher. Lorsque vous achèterez vos prochaines chaussures, pas de prise de tête lors du choix. L’important c’est que les chaussures vous plaisent et qu’elles soient confortables, qu’elles soient minimalistes, ou maximalistes, pronatrices, neutres, supinatrices etc.

On peut aussi arrêter de culpabiliser parce que l’on s’est blessé et que l’on nous a dit que c’était à cause d’un mauvais chaussage. Les chaussures, on leur accorde sûrement beaucoup trop de pouvoir. Peut-être le marketing joue-t-il un rôle là- dedans ? Peut-être est-ce plus facile de se dire que l’on est blessé à cause de chaussures parce que les changer est plus facile que de remettre en question notre entraînement ? Peut être que si l’on se pose et que l’on analyse les circonstances de nos dernière blessures, on remarquera des éléments plus concrets qui permettraient d’expliquer cela ? Le sommeil, la régularité et la progressivité de l’entraînement sont, par exemples, des éléments déterminant dans la survenue des blessures.

Conclusion

Bref, chaussez-vous comme vous l’entendez, et allez profiter de vos courses à pied l’esprit léger. Accordez de l’importance aux choses qui en ont et ne négligez pas l’importance de votre entraînement !

Voilà, c’est tout pour aujourd’hui, à une prochaine fois !

Sources :
La fameuse méta-analyse dont il est question si vous voulez y jeter un œil, c’est par ici.