Les étirements : Quelle utilité dans la prévention ?
De nombreuses croyances entourent les étirements. Quelle que soit la personne à laquelle on demande, chacune a son opinion sur le sujet en fonction de ce qu’elle a entendu dans sa vie, que ce soit dans sa pratique sportive ou ailleurs. Mais comme personne ne semble croire la même chose, une petite mise au point s’impose !
Quel type d’étirement faut-il faire ? En statique, balistique, etc. ?
Quelles questions nous posons-nous ?
Il n’est pas simple de démêler le vrai du faux car dégager une question pour chercher une réponse est ardu en soi, il y en a tellement que l’on peut légitimement se poser… Par exemple, à quoi servent-ils ? Quelqu’un de raide a-t-il plus de problèmes ? Augmente-t-il la souplesse ? Sont-ils utiles pour éviter les blessures ? Pour s’échauffer ? Pour la récupération musculaire ? Pour entretenir les muscles, pour les renforcer ? Sont-ils des traitements en soi ? Si oui, dans quels cas ?
D’un point de vue plus technique, quand faut-il les faire ? Plutôt avant l’exercice ou après ? Plutôt le matin ou le soir ? A quelle fréquence ? Combien de temps ? Faut-il forcer ou y aller doucement ? Comment les réaliser ? Un étirement doit-il être statique ou dynamique ? Présente-t-ils des risques ? Et que se passe-t-il physiologiquement ?
Bref, cet échantillon de questions récoltées montre bien la complexité du sujet de vulgarisation.
Après avoir compulsé la littérature, il faut bien l’admettre, nous ne pouvons pas en tirer grand chose… L’incroyable hétérogénéité des études est dérangeante. Presque aucuns résultats ne sont confirmés par des équipes indépendantes sans qu’une autre ne les discrédite ailleurs… Il est donc particulièrement compliqué de conclure quand nous avons autant d’informations contradictoires.
Toutes les questions que l’on se pose viennent donc probablement du fait qu’aucun consensus n’existe sur tous ces sujets.
Ce que nous savons sur l’efficacité de l’étirement
La principale information qui ressort dans toutes les études est le fait qu’en général, les étirements augmentent l’amplitude disponible. Par exemple, si vous essayez tous les jours d’aller toucher vos pieds en vous penchant en avant et en gardant les genoux tendus, vous gagnerez progressivement en amplitude. En répétant cet exercice, vous pourrez aller plus loin de jours en jours. Toutefois, une précision s’impose : l’effet des étirements sur le long terme ne sont pas vraiment étudiés. L’allongement constaté est présent tant que l’on s’étire mais sans savoir si cela est observable dans le temps.
Donc si vous voulez être plus souple, étirez-vous ! Formidable ! Mais en revanche, deux choses sont beaucoup moins claires : comment ça se fait ? et à quoi ça sert ? ?
En ce qui concerne les mécanismes mis en jeu, ce n’est pas aussi simple qu’il n’y parait. Longtemps, nous avons imaginé le muscle comme un élastique : on tire dessus donc il s’allonge. C’est simple et cohérent mais cette réduction à un modèle mécanique est largement infirmé dans les études qui ne mettent pas en évidence un allongement du muscle après étirement. Plusieurs théories existent mais la plus fiable à ce jour consiste à dire – en termes simples – que répéter les étirements nous habituent à la douleur qu’ils provoquent, ce qui élève notre seuil de tolérance à cette douleur. De fait, nous pouvons donc majorer les étirements car nous y sommes moins sensibles et ainsi aller plus loin.
Une étude montre des résultats intéressants dans ce sens, en concluant que l’étirement d’un muscle facilite l’allongement des autres, même s’ils n’ont pas été étirés, ce qui est en soi assez surprenant. L’idée est la suivante : si un sujet s’étire, il devient plus tolérant à tous types d’étirement, et donc aux douleurs qu’ils provoquent, ce qui se répercute sur tous les muscles. Les mécanismes restent obscurs mais il y a des effets neurologiques centraux et somatosensoriels qui suggèrent qu’un étirement est plus complexe qu’un simple allongement des tissus.
Ensuite, en ce qui concerne l’utilité, eh bien… nous n’en savons rien. Si nous laissons de côté les cas exceptionnels comme par exemple le besoin impératif de souplesse chez les danseurs/danseuses professionnels, pas grand chose n’est démontré sur le sujet… Nous développerons donc plutôt ensuite ce à quoi ça ne sert pas !
Ce que nous savons sur leur inefficacité
Il est assez largement démontré que les étirements n’ont pas d’effet préventif important.
Dans le contexte sportif, s’étirer ne diminue pas le risque de lésion musculaire ou de blessure comme on le croit souvent. Par ailleurs, cela ne présente pas non plus d’utilité pour limiter les douleurs/courbatures après l’activité physique. En clair, il n’y aura pas de meilleures performances pour ceux qui s’étirent, pas moins de blessures et pas de meilleure récupération après l’effort. Néanmoins, il y a dans certains sports un besoin de souplesse pour gagner en performance, ce qui peut soutenir l’usage des étirements. Mais notons qu’il y a plusieurs façons d’améliorer sa souplesse : l’échauffement par exemple en est un. Si vous voulez gagner en souplesse avant une activité physique par exemple, vous échauffer aura le même effet qu’un étirement !
Pour d’autres affections (hormis quelques exceptions) qui peuvent atteindre n’importe qui, comme le mal de dos par exemple, les étirements ne semblent pas plus efficaces. Que ce soit dans un contexte préventif ou dans un plan de traitement, l’étirement seul a finalement peu d’effet. Pour les lombalgiques, nous ne savons d’ailleurs pas bien quoi étirer… Alors, ils sont tout de même utilisés, mais c’est davantage le fait de bouger qui semble utile (mobilisation des tissus, des articulations, contraction des muscles, etc.). Ce n’est pas l’étirement musculaire en soi.
Finalement, on ne sait pas trop à quoi ça sert, ni comment ça marche ? ! ça c’est de la science !
Pourquoi on s’étire alors ?
Les étirements sont prescrits par les kinésithérapeutes et sont quand même conseillés dans de nombreux sports alors comment ça se fait ? Est-ce que ça sert vraiment à rien ? Eh bien, pas vraiment. En termes de bien-être et de traitement d’affections chroniques, les étirements peuvent trouver toutes leur place.
Premièrement parce que le ressenti de la douleur va au-delà des simples effets mécaniques des tissus, et deuxièmement parce que ils font tout simplement du bien à certaines personnes. Si les étirements diminuent vos douleurs au dos, au cou, à l’épaule ou ailleurs, il serait bête de s’en priver. De même, si un sportif qui s’étire constate de meilleures performances, alors pourquoi pas ! Mais pour les sectaires des étirements, cet effet vous reste personnel ! Inutile d’essayer de convertir tous vos proches pour autant ?.
Par ailleurs, et sans trop savoir pourquoi, quelques données nous informent que les gens « raides » sont plus à risque de se blesser, bien que les gens qui s’étirent plus ne soient pas moins à risque… Bref, c’est assez illogique et ça résume assez bien tous les trous qui existent dans la littérature actuellement. Nous avons besoin de beaucoup plus d’informations sur le sujet !
Enfin, pour ceux qui veulent quand même s’étirer, comment vous y prendre ? C’est simple : peu importe ! Tous types d’étirements ont plus ou moins le même effet. Que les étirements soient statiques, dynamiques, balistiques ou sous autres formes (PNF par exemple), les résultats sont comparables. Pas de consensus non plus sur les temps d’étirement à respecter ! Privilégiez donc la méthode qui vous fait le plus de bien, et c’est tout !
Autre bizarrerie
Petit aparté pour ceux qui (sont arrivés jusque-là déjà… et qui…) auraient lu quelque part que les étirements nous font gagner en force… C’est vrai !… partiellement. Il est en effet observé qu’étirer un muscle augmente sa composition en fibres contractiles, ce qui lui donne ensuite plus de force. Plus besoin d’aller à la salle, étirez-vous dans votre lit !
Oui… mais non ! si cet effet a bel et bien été mis en évidence (rarement !), il faudrait s’étirer sur des temps extrêmement longs, jusqu’à 1 heure par jour, par muscle ! Si ce résultat théorique est donc marrant, cela reste pour l’instant très théorique et absolument non-viable en pratique. Dommage !
Conclusion
Etirez-vous, ou pas, cela ne changera pas grand-chose à votre corps. Si cela vous permet de vous sentir mieux, la contrepartie est que vous ne risquez rien, alors ne vous restreignez pas.
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