Les Méfaits De L’imagerie Médicale (2/3)

Les Méfaits De L’imagerie Médicale (2/3)

Chapitre 2 : Que trouve-t-on avec l’imagerie médicale ?

La recherche de réponse qui réconforte

Nous avons un besoin presque biologique d’obtenir des réponses, nous voulons coûte que coûte partir à la recherche de la cause d’une douleur. On cherche absolument une explication qui nous manque, car l’inconnu ne nous satisfait pas. Nous voulons voir ce qui est caché, enfoui, indéterminé. S’il n’y a pas de mauvais effets secondaires, si le risque est mineur et le bénéfice potentiellement énorme (comme dans le cas de la détection précoce d’un cancer), quelles seraient les raisons de se priver de l’imagerie médicale ? Eh bien, listons quelques-unes de ces raisons.

Premier problème, dans le cadre de la colonne vertébrale par exemple, les douleurs n’ont souvent pas une cause pathoanatomique connue. Cela veut dire qu’il n’y a rien à observer de pathologique en rapport avec la douleur… Arrêtons donc de penser que l’imagerie « trouve » les problèmes. Les clichés ne sont qu’une révélation des structures anatomiques de la personne. La pathologie, la maladie, le symptôme ou le diagnostic trouvés ne sont que l’interprétation de celui qui le lit.

Par exemple, les observations anatomiques de hernie ou de dégénérescence discale, pour reprendre les termes les plus souvent utilisés, ne sont qu’un état d’un disque intervertébral. En aucun cas cela ne démontre une pathologie en soi. L’imagerie révèle quelque chose que l’on cherche mais qui n’explique pas forcément ce que l’on a. Quand bien même on arrive à déceler quelque chose, cela ne nous apporte bien souvent rien de plus…

La lésion est-elle douloureuse ?

Ensuite, pléthore d’études montrent qu’un état lésionnel est tout à fait fréquent dans la population, et même chez des personnes n’ayant aucune douleur. Ce n’est finalement qu’un état de dégénérescence, qu’un état de vieillissement tout à fait physiologique et normal. De la même façon que nous avons des rides sur notre peau au bout de quelques années, nous avons aussi des signes de vieillesse dans le reste de notre corps. C’est moins instinctif car nous ne le voyons pas, mais le principe reste le même. Ne faisons donc pas de lien hâtif entre une observation anatomique et une douleur ! À titre indicatif, dans la population des personnes de 40 ans ne présentant aucune douleur, 1 personne sur 3 présente des signes de hernie.

Nous observons ce phénomène pour de nombreuses zones dans le corps, le dos n’est pas l’unique structure concernée. Avez-vous déjà entendu parler d’arthrose, d’entorse ou de lésion tendineuse de l’épaule ? Eh bien, c’est pareil ! Les études étant moins nombreuses, c’est plus difficile d’affirmer que cette notion est généralisable au reste du corps, mais nous avons quand même quelques éléments de réponse. Par exemple, 16 % de la population sans douleur à des ruptures de la coiffe des rotateurs (muscles de l’épaule), et 65 % des ruptures trouvées sont sans manifestation de symptômes.

Le modèle santé à repenser

Ce problème n’est pas seulement un détail technique, mais pèse potentiellement sur l’intégralité des prises en charge proposées aux travailleurs. Saviez-vous que l’Assurance Maladie déclare que 30 % des Troubles Musculo-Squelettiques (TMS) touchent les épaules ? Une atteinte de la coiffe des rotateurs est bel et bien un TMS, et sa détection se fait généralement avec une IRM ou une échographie. Donc, si par malheur nous faisons des examens non-nécessaires à un individu, nous allons éventuellement lui déclarer une pathologie professionnelle sitôt qu’on la détecte à l’imagerie.

Que se passe-t-il alors si nous faisons ce diagnostic, alors que la lésion observée n’est pas l’origine de la douleur ? Le risque est de ne pas classer le patient dans la bonne catégorie, et donc de ne pas lui apporter les bons soins. Voici un paradoxe dont on ne parle pas : en France, le diagnostic d’un TMS se fait exclusivement avec l’appui d’une imagerie médicale… L’Assurance Maladie ne reconnaît pas un simple état douloureux et handicapant comme une maladie professionnelle à part entière.

Au vu de ces informations, il nous parait clair aujourd’hui que les stratégies de prévention sont inadaptées et les diagnostics souvent erronés. Le modèle actuel exclut totalement le lien qui existe entre lésion et gêne fonctionnelle ! Si une personne a mal sans lésion, il faut que nous les prenions quand même en charge, ce que l’on échoue actuellement à faire.

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